Mise en garde concernant l’utilisation de systèmes d’intelligence artificielle grand public en physiothérapie

L’Ordre invite les membres à faire preuve de prudence quant à l’utilisation de l’intelligence artificielle générative dans le cadre de leurs activités professionnelles et déconseille l’utilisation d’outils destinés au grand public, notamment pour l’aide à la décision et pour la rédaction des dossiers client.

Les systèmes d’intelligence artificielle (SIA) grand public tels que ChatGPT®, DALL-E®, Midjourney®, Claude®, Bard® ou encore Gemini® sont des technologies génératives émergentes, qui peuvent créer du nouveau contenu sous plusieurs formes, comme du texte, une image, un fichier audio ou du code logiciel. Les cadres législatifs entourant leur utilisation sont toujours en élaboration.

L’utilisation de ces SIA pourrait amener les professionnelles et professionnels de la physiothérapie à ne pas respecter certaines de leurs obligations règlementaires et déontologiques, notamment en ce qui concerne le respect de la confidentialité, la protection des renseignements personnels, l’utilisation de données cliniques fiables et de normes reconnues par la science.

Enjeux relatifs à la tenue des dossiers et à la protection des renseignements personnels

Le Règlement sur les dossiers, les lieux d’exercice, les équipements et la cessation d’exercice des membres de l’OPPQ prévoit que les membres doivent « assurer la confidentialité et l’intégrité de [leurs] dossiers et en restreindre l’accès aux seules personnes autorisées ».

La plupart des SIA grand public disponibles sur le marché utilisent les interactions avec les utilisatrices et les utilisateurs pour améliorer leurs algorithmes. Les informations contenues dans les requêtes pourraient être retransmises lors d’interactions avec d’autres personnes, au risque de communiquer des renseignements personnels et des informations de santé, sans avoir obtenu de consentement préalable.

Il existe aussi un risque théorique de réidentification des renseignements personnels par le croisement de différentes sources, même si les renseignements entrés dans les SIA ne sont pas nominatifs.

D’autre part, plusieurs entreprises offrant des SIA hébergent et traitent les données sur des serveurs situés à l’extérieur du Québec. Or, les membres et les milieux de soins et de services doivent assurer la conformité de leurs activités professionnelles à diverses obligations lors du partage de renseignements personnels à l’extérieur de la province, notamment pour celles qui découlent de la Loi modernisant des dispositions législatives en matière de protection des renseignements personnels (Loi 25).

Enjeux relatifs aux outils d’aide à la décision

Les membres de l’Ordre doivent offrir des soins et services basés sur les meilleures preuves scientifiques (evidences) disponibles ainsi que sur des pratiques reconnues (article 6 du Code de déontologie). Dans ce contexte, l’utilisation des SIA comme outils d’aide à la décision en santé soulève plusieurs enjeux éthiques et législatifs.

Plusieurs doutes ont été soulevés relativement à l’exactitude des faits présentés dans les résultats obtenus auprès de SIA générative. Les réponses obtenues peuvent provenir d’une source Internet non vérifiée ou même avoir été inventées par le SIA (phénomène dit « d’hallucinations »). Elles doivent donc être validées auprès de sources fiables permettant de vérifier que les décisions cliniques prises par les professionnelles et professionnels de la physiothérapie reposent sur des faits valides ainsi que sur des pratiques reconnues.

La Loi 25 prévoit, entre autres, l’obligation d’informer les personnes concernées par une décision basée uniquement sur l’analyse d’un SIA. Cette obligation pourrait s’appliquer à certains services de santé.

Des préoccupations ont aussi été soulevées relativement aux droits d’auteurs concernant les réponses obtenues à partir de SIA de type génératif.

Prudence et évaluation des risques

Dans l’état actuel des connaissances, il ressort que les risques liés à l’usage de SIA de type génératif et destinés au grand public dépassent largement les avantages.

L’Ordre invite les membres qui souhaiteraient utiliser des SIA à:

  • Lire attentivement les conditions d’utilisation de ces systèmes afin d’évaluer les risques liés à la gestion des renseignements personnels;
  • Consulter les personnes responsables des technologies de l’information de leur milieu pour connaitre les règles applicables ou requérir les services d’experts dans ce domaine;
  • Obtenir un avis juridique en cas de doute.

Travaux sur l’intelligence artificielle à l’OPPQ

L’OPPQ est signataire de la Déclaration de Montréal sur l’intelligence artificielle (IA) responsable, qui poursuit trois objectifs:

  • Élaborer un cadre éthique pour le développement et le déploiement de l’IA;
  • Orienter la transition numérique afin que toutes et tous puissent bénéficier de cette révolution technologique;
  • Ouvrir un espace de dialogue national et international pour réussir collectivement un développement inclusif, équitable et écologiquement soutenable de l’IA.

Par ailleurs, l’Ordre collabore avec plusieurs parties prenantes afin de clarifier les responsabilités des membres concernant une utilisation des SIA conforme à l’évolution des bonnes pratiques, aux principes éthiques reconnus ainsi qu’aux lois applicables au Québec.

L’Ordre continuera d’informer les membres de ses démarches et de l’évolution des travaux en cours.