Pour une personne souffrant d’incontinence, le simple fait de consulter un professionnel de la santé peut être une source de gêne. Malgré les nombreuses campagnes abordant le problème, plusieurs tabous persistent et les victimes de ce trouble physique hésitent souvent à en parler. Il existe pourtant des méthodes éprouvées pour traiter l’incontinence, voire même des façons de la prévenir.
Les physiothérapeutes Chantal Dumoulin, chercheure et directrice de la Chaire de recherche du Canada en santé urogynécologique et vieillissement, relevant du Centre de recherche de l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal (IUGM), et Joanie Mercier, professionnelle de recherche, proposent des pistes de solutions et de préventions intéressantes à ce problème.
Comment s’explique l’incontinence?
L’incontinence se définit comme une perte involontaire d’urine ayant un impact sur la qualité de vie d’un individu. Il peut s’agir de quelques gouttes après des éternuements ou même de fuites majeures lors d’envies pressantes. Cette problématique survient lorsqu’il y a un problème dans le fonctionnement normal de la vessie et des muscles du plancher pelvien (muscles qui s’étendent entre le pubis et le coccyx).
Qui est à risque d’incontinence urinaire?
L’incontinence urinaire est plus fréquente chez la femme que chez l’homme.
Comme l’explique Chantal Dumoulin, 1 homme sur 10 et 1 femme sur 3 souffriront d’incontinence urinaire au cours de leur vie l’incontinence étant plus présente après 60 ans (1 femme sur 2).
Existe-t-il plusieurs types d’incontinence?
Il existe trois types principaux d’incontinence.
- L’incontinence à l’effort : les muscles du plancher pelvien et de l’urètre n’étant pas assez forts pour retenir l’urine provoquent de légères pertes lors de toux, d’éternuements, de rires ou d’efforts physiques.
- L’incontinence d’urgence : une hyperactivité de la vessie ou un dérèglement des messages qui circulent entre la vessie et le cerveau occasionnent des pertes d’urine en grande quantité lors d’envies soudaines et irrépressibles d’uriner, ne permettant pas de se rendre à temps aux toilettes.
- L’incontinence mixte : combinaison des deux types d’incontinence précédents.
Quels sont les facteurs de risques?
Le principal facteur de risque de l’incontinence urinaire est le relâchement des muscles du plancher pelvien. Comme tous les muscles du corps humain, ceux-ci peuvent être entrainés pour pouvoir comprimer efficacement l’urètre et ainsi prévenir les fuites d’urine.
Voici d’autres facteurs pouvant causer l’incontinence urinaire :
- la consommation d’aliments et boissons irritants;
- l’obésité;
- la constipation;
- diverses maladies et affections;
- certains médicaments;
- la grossesse et l’accouchement.
Mentionnons aussi les efforts physiques avec sauts comportant un soulèvement répétitif de charges ou impliquant des augmentations de pression intra-abdominales. En modifiant certaines habitudes de vie en lien avec ces facteurs, il est possible de diminuer les symptômes de l’incontinence urinaire, voire même, les faire disparaitre complètement.
Quelques conséquences sur la vie des gens affectés
Au-delà de la gêne et de l’inconfort, l’incontinence peut entrainer plusieurs désagréments, explique Chantal Dumoulin :
- il existe un lien entre l’incontinence et la dépression;
- la vie sexuelle peut également être perturbée par la peur d’avoir des fuites urinaires;
- l’humidité causée par les sous-vêtements souillés peut amener des irritations cutanées, voire même des plaies;
- chez les personnes âgées, l’incontinence urinaire augmente les risques de chutes, par exemple lorsque celles-ci se pressent pour se rendre aux toilettes;
- les dépenses reliées au problème sont aussi un désagrément (couches, traitements, etc.).
Comment traiter l’incontinence?
Dans la majorité des cas, l’incontinence se traite efficacement grâce à la pratique régulière d’exercices de renforcement du plancher pelvien, ainsi qu’en modifiant certaines habitudes de vie. Chantal Dumoulin rappelle que la physiothérapie est le traitement de première ligne ayant un taux de guérison de plus de 70 %. « Les physiothérapeutes ayant une formation en rééducation périnéale et pelvienne, sont en mesure de guider le patient vers plusieurs exercices relativement simples qui peuvent réduire les risques de pertes, jusqu’à l’élimination complète des symptômes », explique celle-ci. Voici trois exercices de renforcement des muscles du plancher pelvien :
Exercice de force: les contractions maximales
- Expirer lentement par la bouche.
- Contracter les muscles du plancher pelvien aussi fort que possible comme pour retenir l’urine et les gaz intestinaux, et resserrer le plancher pelvien vers l’intérieur.
- Maintenir la contraction pendant six secondes. Compter chacune des secondes à voix haute en respirant normalement.
- Relâcher le plancher pelvien pendant douze secondes.
- Procéder à trois séries de six contractions-relaxations (pour un total de 18 contractions). Prendre une minute de repos entre chaque série.
Il est préférable de relâcher tous les muscles, surtout ceux des fesses et de l’intérieur des cuisses. Pour augmenter la difficulté de cet exercice, vous pouvez prolonger la durée et le nombre des contractions.
Exercice de coordination: la toux
- Expirer lentement par la bouche puis contracter les muscles du plancher pelvien le plus fort possible.
- Maintenir la contraction pendant une seconde puis tousser vigoureusement en gardant toujours la contraction du plancher pelvien.
- Se reposer deux secondes, puis recommencer la contraction, la toux et le repos deux fois de suite.
- Prendre une pause de 30 secondes.
- Répéter deux autres séries comme celle-ci.
Il est préférable de relâcher tous les muscles, surtout ceux des fesses et de l’intérieur des cuisses. Pour augmenter la difficulté de cet exercice, toussez 2, puis 3 fois lors d’une même contraction.
Les contractions rapides
- Expirer lentement par la bouche puis contracter les muscles du plancher pelvien, aussi fortement et aussi rapidement que possible, comme pour retenir l’urine et les gaz intestinaux.
- Maintenir la contraction pendant une seconde.
- S’assurer de bien relâcher le plancher pelvien pendant une seconde.
- Exécuter trois séries de six contractions-relaxations rapides (pour un total de 18 contractions). Prendre 12 secondes de repos entre chaque série.
Il est préférable de relâcher tous les muscles, surtout ceux des fesses et de l’intérieur des cuisses. Pour augmenter la difficulté de cet exercice, augmentez le nombre de contractions rapides dans une série.
La recherche sur l’incontinence urinaire: des résultats plus qu’encourageants
En janvier 2013, le laboratoire Incontinence et vieillissement du Centre de recherche de l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal a lancé une recherche d’envergure portant sur le traitement de l’incontinence urinaire chez la femme de 60 ans et plus.
Cette recherche a depuis permis à 80 femmes de suivre un programme combinant apprentissages théoriques et exercices du plancher pelvien. Chantal Dumoulin, responsable du programme, se réjouit des résultats obtenus jusqu’à présent. En effet, les résultats préliminaires sont des plus encourageants chez l’ensemble des femmes qui ont terminé les 12 semaines de traitement :
- les fuites hebdomadaires ont chuté de 40 %;
- toutes les participantes constatent une amélioration de leur condition urinaire à la suite du traitement (26 % la qualifiant de « mieux » et 74 %, de « vraiment mieux »).
Autres outils et références recommandés
- La Fondation d’aide aux personnes incontinentes
- DVD : «Gymnastique du plancher pelvien : Exercices et conseils. »
Auteures : Chantal Dumoulin, Cara Tannenbaum - Livre : « Avant et après bébé : Exercices et conseils »
Auteure : Chantal Dumoulin - Article scientifique : Dumoulin C, Lemieux MC, Bourbonnais D, Gravel D, Bravo G, Morin M. Physiotherapy for persistent postnatal stress urinary incontinence: a randomized controlled trial. Obstetrics and Gynecology 2004; 104(3):504–10.
- Article scientifique : Dumoulin C, Hay-Smith J. Pelvic floor muscle training versus no treatment, or inactive control treatments, for urinary incontinence in women. Cochrane Database of Systematic Reviews 2010.
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