Incontinence urinaire chez les femmes traitées par chirurgie et radiothérapie à la suite d’un cancer de l’endomètre : effets d’un programme de réadaptation utilisant la technologie Elvie 

Stéphanie Bernard, pht, Ph. D.1, récipiendaire d’une subvention OPPQ-REPAR – concours 2017

Date de mise en ligne : 2025

Contexte

Le cancer de l’endomètre (CE) est le cinquième cancer le plus fréquent chez les personnes de sexe féminin dans le monde(1). Il est fréquent pour ces personnes de développer de l’incontinence urinaire (IU) à la suite de leurs traitements, ce qui a un impact significatif sur leur qualité de vie. Chez les personnes sans histoire de cancer, les exercices des muscles du plancher pelvien (MPP) sont recommandés comme traitement de première ligne pour l’IU(2). Seules quelques études se sont intéressées aux effets des exercices des MPP pour l’IU chez les personnes traitées pour un CE, avec des résultats limités.

Objectif

Cette étude visait à évaluer les effets à court terme d’un programme novateur de rééducation à domicile de 12 semaines, incluant l’utilisation de la technologie mobile Elvie, sur la sévérité de l’IU chez des personnes traitées pour un CE.

Méthode

En raison du caractère novateur de l’intervention, un devis expérimental à cas unique, incluant des évaluations répétées et comportant trois phases (A1-B-A2), a été utilisé pour explorer individuellement les effets de ce programme auprès de chaque participante : la phase pré-intervention durant 2 semaines (A1, 3 évaluations), la phase d’intervention s’échelonnant sur 12 semaines (B, 5 évaluations) et finalement, une phase post-intervention s’échelonnant sur 2 semaines (A2, 3 évaluations). Plusieurs temps de mesures ont ainsi été répartis durant ces 3 phases, totalisant 11 évaluations par participante.

Le programme de rééducation pelvi-périnéale comprenait des exercices des MPP réalisés à l’aide de l’appareil Elvie et de son application mobile, soit un dynamomètre sans-fil intravaginal agissant comme appareil de rétroaction biologique. Il était recommandé de pratiquer les exercices 5 fois par semaine. Le programme incluait également une rééducation des habitudes de la vessie (techniques de vidange de la vessie, fréquence mictionnelle, gestion des urgences urinaires) et des conseils sur les habitudes de vie (irritants vésicaux, hydratation, etc.). Des suivis téléphoniques hebdomadaires par une physiothérapeute en rééducation pelvi-périnéale ont permis d’obtenir des conseils personnalisés pour chacune des participantes.

Les effets du programme sur la sévérité de l’IU ont été évalués à l’aide d’un Pad Test de 1 h (mesure principale, 11 points de mesure), du questionnaire International Consultation Incontinence Questionnaire – Short-Form (ICIQ-UI SF), et d’un journal urinaire de 3 jours (mesures secondaires, 5 points de mesure). Les effets du programme sur la fonction des MPP ont été évalués avec des mesures dynamométriques et échographiques (2 points de mesure, 1 en phase pré-intervention (A1) et 1 en phase post-intervention (A2). L’observance au traitement a été suivie grâce à l’application mobile Elvie et un journal de suivi.

Les participantes éligibles avaient été traitées pour un CE de stade 1 à l’aide d’une hystérectomie totale et d’une curiethérapie adjuvante, et présentaient de l’IU de novo au moins 3 fois par semaine. Celles avec un prolapsus des organes pelviens, des infections urinaires ou vaginales, une sténose vaginale sévère, des traitements actifs pour le cancer et des déficiences cognitives ou physiques n’étaient pas éligibles. Toutes les participantes ont donné leur consentement éclairé.

Des analyses descriptives, des analyses visuelles graphiques des changements dans les niveaux absolus et relatifs, ainsi que des analyses de tendances ont été effectuées. Des analyses non paramétriques des données longitudinales ont été effectuées pour évaluer les effets du programme sur la sévérité de l’IU et de la fonction des MPP pour lesquels des effets relatifs de traitement (ETR) ont été calculés : pour les effets décroissants, on retrouve des effets significatifs faibles avec des valeurs d’ETR entre 0,44 et 0,37, des effets significatifs modérés pour des valeurs entre 0,36 et 0,30, et des effets significatifs importants pour des valeurs ≤ 0,29. Pour les effets croissants, on retrouve des effets significatifs faibles avec des valeurs d’ETR entre 0,56 et 0,63, modérés pour des valeurs entre 0,64 et 0,70, et importants pour des valeurs ≥ 0,71.

Résultats

Cette capsule présente principalement les résultats découlant des analyses non paramétriques de groupe (voir Bernard et coll. 2021(3) pour les autres résultats). Cette étude s’est déroulée auprès de 8 participantes auprès desquelles 88 évaluations ont été réalisées. Toutes les participantes souffraient d’IU de type mixte avec des niveaux de sévérité variables selon les résultats initiaux du Pad Test, avec une moyenne de 9,2 g de fuites urinaires.

Les analyses non paramétriques de groupe ont révélé des changements significatifs pour les mesures de l’IU entre les phases post-intervention (A2) et pré-intervention (A1), avec des ETR modérés dans la réduction des fuites urinaires au Pad Test, des scores au questionnaire ICIQ-UI SF, ainsi que du nombre de fuites et d’urgences dans un journal vésical de 3 jours. La fréquence mictionnelle a également montré un ETR significatif, mais faible (voir Tableau 1).

Tableau 1 : Analyse non paramétrique des variables urinaires avant (phase A1) et après (phase A2) le programme de réadaptation avec effet relatif du traitement (ETR)

En ce qui concerne les résultats relatifs aux MPP, seules les variables dynamométriques ont montré des effets significatifs légers. Plus spécifiquement, des ETR significatifs ont été observés pour le taux de développement de la force dans le test de contraction volontaire maximale (A1 : 11,28 N/s; A2 : 14,52 N/s; ETR : 0,56), pour la force maximale relative (A1 : 4,44 N; A2 : 6,65 N; ETR : 0,57), pour le taux de développement de la force dans le test de contractions rapides (A1 : 12,66 N; A2 : 19,26 N; ETR : 0,60), et pour l’aire sous la courbe (A1 : 14,15 N*s; A2 : 35,49 N*s; ETR : 0,56) dans le test d’endurance.

L’observance au programme a varié d’une participante à l’autre, le nombre total de séances d’entraînement enregistrées par l’application Elvie allant de 24 à 124 séances par personne. Toutes les participantes se sont déclarées satisfaites du programme.

Discussion

Ce travail explore un programme de réadaptation innovant pour réduire l’IU après un CE. Il combine une technologie mobile avec une supervision à distance par un physiothérapeute en rééducation périnéale. Maintenir un contact régulier, mais allégé avec les participantes a été fructueux pour réduire l’IU et améliorer la fonction contractile des MPP, en plus de favoriser l’autogestion des problèmes urinaires. Bien que son applicabilité nécessite d’être confirmée avec des travaux ultérieurs, cette approche pourrait répondre aux besoins des femmes après un CE à plus grande échelle en surmontant ainsi les contraintes contextuelles d’accès aux services auxquelles elles sont confrontées.

Pour en savoir plus

Bernard S, McLean L, Boucher S, Hébert LJ, Plante M, Grégoire J, Sebastianelli A, Renaud MC, Froment MA, Moffet H. An in-home rehabilitation program for the treatment of urinary incontinence symptoms in endometrial cancer survivors: a single-case experimental design study. International Urogynecology Journal (Open Access). 2021 Sep 25:1-1 https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC8536558/

Références

  1. International Agency for Research on Cancer. GLOBOCAN 2020. Global Cancer Observatory (https://gco.iarc.fr/); 2023.
  2. Dumoulin C, Cacciari LP, Hay-Smith EJC. Pelvic floor muscle training versus no treatment, or inactive control treatments, for urinary incontinence in women. Cochrane Database Syst Rev. 2018;10(10):Cd005654.
  3. Bernard S, McLean L, Boucher S, Hébert LJ, Plante M, Grégoire J, Sebastianelli A, Renaud MC, Froment MA, Moffet H. An in-home rehabilitation program for the treatment of urinary incontinence symptoms in endometrial cancer survivors: a single-case experimental design study. International Urogynecology Journal (Open Access). 2021 Sep 25:1-1. URL: https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC8536558/

Auteure

Stéphanie Bernard, pht, Ph. D.1, récipiendaire d’une subvention OPPQ-REPAR – concours 2017

  1. Centre interdisciplinaire de recherche en réadaptation et intégration sociale (Cirris), Université Laval, Québec, Canada
         Stéphanie Bernard

 

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