L’effet de la chaleur et des exercices sur la lombalgie aiguë : résultats d’un essai contrôlé randomisé

Claudia Côté-Picard, pht, Ph. D. (c)1, récipiendaire d’une bourse de maîtrise – concours OPPQ 2021; Amélie Desgagnés, pht, M. Sc.1,2, Jean Tittley, pht, M. Sc.1, Catherine Mailloux, pht, M. Sc.1,2, Kadija Perreault, pht, Ph. D.1,3, Catherine Mercier, Ph. D.1,3; Clermont E. Dionne, Ph. D.3,4, Jean-Sébastien Roy, pht, Ph. D.1,3, Hugo Massé-Alarie, pht, Ph. D.1,3.

Date de mise en ligne : 2025

Introduction

La lombalgie est la première cause mondiale d’années vécues avec des incapacités, en raison du développement de douleur chronique(1). La majorité des cas de lombalgie aiguë (LA) se résorbent naturellement en 12 semaines(2), mais environ un tiers de ceux-ci connaîtront une récurrence de douleur dans l’année suivante(3). Il est recommandé de privilégier des interventions non pharmacologiques en présence de LA. L’application de chaleur se démarque présentement par le plus haut niveau de preuve et la plus grande taille d’effet (modérée) pour la réduction de la douleur à court terme(4). Une étude a également démontré que la combinaison de chaleur et d’exercices engendre une plus grande réduction des incapacités et de la douleur à court terme (2 jours après l’arrêt de l’intervention) que la chaleur seule, les exercices seuls ou l’éducation(5). Cependant, l’effet de cette combinaison d’interventions à long terme demeure inconnu. L’utilisation de la chaleur sur la LA pourrait favoriser le retour aux activités et potentiellement contribuer à prévenir la chronicisation de la condition.

Objectif

Comparer l’effet de l’application de chaleur, seule ou en combinaison avec des exercices, sur l’évolution clinique à court (1 semaine), moyen (4 et 12 semaines) et long (24 et 52 semaines) termes, à une intervention de contrôle chez des personnes présentant une LA.

Hypothèse

La combinaison de chaleur et d’exercices entraînera une plus grande amélioration clinique à tous les temps de mesure que la chaleur seule et l’intervention de contrôle.

Méthodologie

Devis et interventions

Dans cet essai contrôlé randomisé, 99 adultes souffrant de LA (< 6 semaines(2)) ont été recrutés et aléatoirement affectés à une intervention: 1) chaleur et exercices (n = 34), 2) chaleur seule (n = 33) et 3) contrôle (n = 32). Les participants ont tous reçu des conseils sur la gestion de la LA. Ceux des groupes 1) et 2) devaient porter une ceinture chauffante à la région lombaire pour 8 heures quotidiennement pendant 7 jours. Ceux du groupe 2) devaient également réaliser un programme d’exercices 30 minutes par jour pendant 5 jours. Ce programme était prescrit par un ou une physiothérapeute et comportait un exercice de chacune des catégories suivantes: mobilité, mouvement fonctionnel, contrôle moteur et direction préférentielle si applicable(6). Les participants du groupe contrôle devaient porter la même ceinture pour la même durée, mais la ceinture avait été refroidie à la température ambiante.

Variables

La variable principale était la capacité fonctionnelle (Oswestry Disability Index). Les variables secondaires étaient l’intensité moyenne de la douleur lors des 7 derniers jours (Échelle numérique de la douleur) et la kinésiophobie (questionnaire Tampa Scale for Kinesiophobia). Toutes les mesures ont été prises à l’évaluation initiale et à 1, 4, 12, 24 et 52 semaines.

Analyses statistiques

Les variables ont été comparées entre les groupes avec un modèle linéaire mixte (intention de traiter) incluant les facteurs groupe et temps et l’interaction entre ces facteurs.

Résultats

Il n’y avait aucune différence entre les groupes au niveau des caractéristiques démographiques (âge, sexe, etc.). Les sujets des 3 groupes se sont améliorés de manière cliniquement significative à tous les temps de mesure jusqu’à 12 semaines pour la douleur, et à partir de la 4e semaine pour la capacité fonctionnelle et la kinésiophobie (Figure 1.a-c). Aucune différence entre les groupes n’a été observée. La collecte des données à long terme n’est pas encore complétée.

Figure 1.a-c : Résultats pour la capacité fonctionnelle, la douleur et la kinésiophobie dans le temps

Discussion et conclusion

Les résultats obtenus infirment notre hypothèse de départ et ne concordent pas avec les résultats déjà obtenus dans la littérature concernant l’effet de la chaleur et des exercices sur la LA(4,5), mais confirment le pronostic favorable de la LA dans les 3 premiers mois. Il sera intéressant d’observer si les résultats diffèrent entre les groupes à 24 et 52 semaines lors de nos analyses finales, et de vérifier quelle proportion des participants présente toujours des symptômes à ces temps de mesure. Bien que 3 mois après l’inclusion à l’étude les participants présentaient peu de symptômes résiduels, la littérature montre qu’environ un tiers des personnes ayant une LA présentent une récidive 12 mois après le début de la douleur(2). Ainsi, pour la majorité des personnes présentant une LA, il est recommandé d’encourager l’autoprise en charge (pouvant inclure la chaleur), la pratique d’activité physique, le maintien ou le retour au travail; de rassurer quant au pronostic favorable de la LA; et d’éviter le surtraitement(7). Il demeure cependant important d’identifier les patients à risque de chronicisation qui pourraient bénéficier d’un traitement plus intensif, en utilisant un questionnaire d’évaluation du pronostic comme le Start Back Screening Tool(8), par exemple.

Remerciements

Nous tenons à remercier les participants de l’étude, l’OPPQ, le REPAR, le Cirris, le RQRD et le FRQS pour leur soutien financier qui a contribué à la réalisation de ce projet.

Références

  1. Vos T. et coll. Global, regional, and national incidence, prevalence, and years lived with disability for 328 diseases and injuries for 195 countries, 1990-2016: a systematic analysis for the Global Burden of Disease Study 2016. Lancet 2017; 390: 1211-1259. 2017/09/19. DOI: 10.1016/S0140-6736(17)32154-2.
  2. da C. Menezes Costa L., Maher C.G., Hancock M.J., et coll. The prognosis of acute and persistent low-back pain: a meta-analysis. CMAJ 2012; 184: E613-624. 2012/05/16. DOI: 10.1503/cmaj.111271.
  3. Stanton T.R., Henschke N., Maher C.G., et coll. After an episode of acute low back pain, recurrence is unpredictable and not as common as previously thought. Spine (Phila Pa 1976) 2008; 33: 2923-2928. 2008/12/19. DOI: 10.1097/BRS.0b013e31818a3167.
  4. Qaseem A., Wilt T.J., McLean R.M., et coll. Noninvasive Treatments for Acute, Subacute, and Chronic Low Back Pain: A Clinical Practice Guideline From the American College of Physicians. Ann Intern Med 2017; 166: 514-530. 2017/02/14. DOI: 10.7326/M16-2367.
  5. Mayer J.M., Ralph L., Look M et coll. Treating acute low back pain with continuous low-level heat wrap therapy and/or exercise: a randomized controlled trial. Spine J 2005; 5: 395-403. 2005/07/06. DOI: 10.1016/j.spinee.2005.03.009.
  6. Cote-Picard C., Tittley J., Mailloux C., et coll. Effect of thermal therapy and exercises on acute low back pain: a protocol for a randomized controlled trial. BMC Musculoskelet Disord 2020; 21: 814. 2020/12/07. DOI: 10.1186/s12891-020-03829-7.
  7. Almeida M., Saragiotto B., Richards B., et coll. Primary care management of non-specific low back pain: key messages from recent clinical guidelines. Med J Aust 2018; 208: 272-275. 2018/04/05. DOI: 10.5694/mja17.01152.
  8. Hill J.C., Dunn K.M., Lewis M., et coll. A primary care back pain screening tool: identifying patient subgroups for initial treatment. Arthritis Rheum 2008; 59: 632-641. 2008/04/29. DOI: 10.1002/art.23563.

Auteurs

Claudia Côté-Picard, pht, Ph. D. (c)1, récipiendaire d’une bourse de maîtrise – concours OPPQ 2021; Amélie Desgagnés, pht, M. Sc.1,2, Jean Tittley, pht, M. Sc.1, Catherine Mailloux, pht, M. Sc.1,2, Kadija Perreault, pht, Ph. D.1,3, Catherine Mercier, Ph. D.1,3; Clermont E. Dionne, Ph. D.3,4, Jean-Sébastien Roy, pht, Ph. D.1,3, Hugo Massé-Alarie, pht, Ph. D.1,3

  1. Centre interdisciplinaire de recherche en réadaptation et intégration sociale (Cirris), Université Laval, Québec, Canada
  2. Physio Interactive │ Cortex, Québec, Canada
  3. Département de réadaptation, Université Laval, Québec, Canada
  4. Centre de recherche du CHU de Québec – Université Laval, Québec, Canada
Claudia Côté-Picard

 

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