Obtenir un suivi avec un professionnel de la physiothérapie dans le système de santé public peut prendre des semaines, voir des mois. À la fin de l’année 2018, près de 20 000 Québécois étaient en attente d’un rendez-vous, ce qui peut avoir un impact considérable sur leur qualité de vie.
L’une des façons d’améliorer l’accessibilité de la physiothérapie est d’en inclure en première ligne, dès que le patient décide de consulter.
Un projet pilote a d’ailleurs vu le jour dans quelques cliniques sans rendez-vous du Grand Montréal, où des physiothérapeutes comme Marie-Claude Zizka voient des patients de façon ponctuelle. Celle-ci nous explique dans cet article les avantages de cette pratique.
C’est pour qui?
Lorsqu’une personne se présente dans une clinique sans rendez-vous, elle est généralement rencontrée par une infirmière à qui elle décrit ce qui l’amène à consulter. Comme un patient qui arrive avec des symptômes de grippe ou un mal de gorge rencontrera un médecin pour une évaluation, un autre qui présente un problème d’ordre musculosquelettique peut voir en premier lieu un physiothérapeute.
Le patient peut par exemple ressentir des douleurs au dos, au cou, aux épaules, aux hanches, aux genoux, aux doigts ou aux poignets. Des cas de vertige positionnel ou encore de commotion cérébrale pourraient aussi être évalués sur place par le physiothérapeute, tout dépendant de son expertise.
Que fait le physiothérapeute?
Étant donné le contexte des cliniques sans rendez-vous, le physiothérapeute y dispose d’une vingtaine de minutes pour voir chaque patient, ce qui diffère considérablement d’une séance régulière de physiothérapie, où l’évaluation prend une heure.
Or, il est possible de donner beaucoup au patient, même dans un rendez-vous aussi bref.
« Le physiothérapeute fera un historique de la douleur avec le patient, puis il évaluera l’articulation et déterminera s’il y a présence de conditions plus graves qui peuvent demander une discussion immédiate avec un médecin, par exemple la présence suspectée d’une fracture », explique Mme Zizka.
Le physiothérapeute émettra ensuite son impression diagnostique en physiothérapie. Il pourra faire des interventions ponctuelles pour soulager immédiatement le patient (taping, techniques de thérapies manuelles ou immobilisations) et lui donner un plan de traitement, qui peut inclure :
- Des exercices à faire
- Des positions à adopter ou à éviter en travaillant
- Des conseils posturaux pour le sommeil
- Les méthodes d’application de glace ou de chaleur appropriées à son cas
- Des conseils pour bien gérer sa douleur
- Des trucs pour éviter d’augmenter son problème
- De l’information sur sa douleur, le processus inflammatoire, l’évolution de sa condition et la reprise des activités
Le physiothérapeute pourra aussi suggérer au médecin la prescription d’aides à la marche ou d’orthèses après son évaluation.
De telles recommandations favorisent une prise en charge du problème par le patient. « Les gens peuvent souvent améliorer leur condition eux-mêmes s’ils savent quoi faire. De mieux comprendre leur problème diminue leur inquiétude, ça diminue les chances de chronicité de la condition et ça diminue aussi le recours à la médication », énumère Mme Zizka.
« Par exemple, si une personne sait comment bien utiliser la glace, elle aura besoin de moins de médicaments pour gérer sa douleur. Pourtant, dans 85% des cas on observe que ce n’est pas fait de la bonne façon », rapporte-t-elle.
À la fin de la rencontre, le physiothérapeute met une note au dossier avec ses observations et le médecin passera quand même voir le patient avant que celui-ci quitte la clinique.
Un partenariat gagnant-gagnant
Si cette façon de faire permet à la population d’avoir un meilleur accès à la physiothérapie, elle permet aussi de décharger les médecins, qui peuvent se concentrer davantage sur d’autres cas.
« Quand les médecins arrivent auprès du patient, il y a déjà l’historique de la douleur et une évaluation physiothérapique au dossier. Ils vérifient quand même ce qu’ils ont à vérifier, mais ça leur permet d’avoir tout de suite recours à l’expertise d’un physiothérapeute. Ils sont super contents, surtout quand c’est des cas complexes », dit Mme Zizka.
Pour l’instant, au Québec, le projet fonctionne sous forme de partenariat public-privé entre des cliniques sans rendez-vous du réseau public et des cliniques privées. Celles-ci peuvent par exemple envoyer un physiothérapeute sur place une journée par semaine.
« Le prochain défi, c’est qu’il y ait des budgets d’alloués dans les cliniques et les Groupes de médecine familiale (GMF) pour qu’il y ait des physiothérapeutes sur place. Je pense que dans le futur, on va en voir de plus en plus », souligne Mme Zizka.
Quelques mythes
La présence de physiothérapeute en première ligne permet également de briser certains mythes.
1. Il faut passer une radiographie lorsqu’on a une douleur musculosquelettique
- FAUX. Il est souvent possible de déterminer ce qui se passe grâce à une évaluation physiothérapique sans avoir recours à une radiographie ou à une imagerie par résonnance magnétique (IRM), ce qui diminue de beaucoup le délai avant l’obtention du traitement.
2. Un physiothérapeute a besoin d’une grande salle et de beaucoup d’équipement pour travailler
- FAUX. Des évaluations et des traitements de physiothérapie peuvent se faire dans une salle conventionnelle d’une clinique sans rendez-vous.
3. Il faut un diagnostic du médecin pour voir un physiothérapeute
- FAUX. Les physiothérapeutes peuvent poser des diagnostics et élaborer un plan de traitement après avoir évalué un patient.
En travaillant en clinique sans rendez-vous, Mme Zizka voit chaque semaine des patients qui n’auraient peut-être jamais été exposés à la physiothérapie. « Ça arrive que quelqu’un n’ait pas accès à une assurance qui rembourse ces soins et n’ait pas les moyens d’aller consulter dans le privé. Parfois, les gens n’ont pas besoin d’un long suivi, mais surtout de savoir généralement quoi faire pour améliorer leur situation », résume-t-elle.
Le projet pilote auquel Mme Zizka participe a remporté le deuxième prix dans la catégorie « Innovation » au congrès canadien Physiothérapie18, qui se déroulait à Montréal l’an dernier.
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