La plupart du temps, lorsqu’on parle de physiothérapie, on pense aux traitements d’une blessure aux articulations ou aux muscles ou encore à la réadaptation à la suite d’un accident grave. Pourtant, la physiothérapie ne fait pas que prendre soin du système musculosquelettique, elle peut également venir en aide au système cardiovasculaire et respiratoire.

Stéphanie Grégoire est physiothérapeute à l’Institut de cardiologie de Montréal et connaît bien les patients atteints de problèmes cardiaques. Dans cet article, elle vous invite dans son univers et vous fait découvrir le rôle indispensable de la physiothérapie auprès de ces patients.

Qu’entendons-nous par problèmes cardiaques et physiothérapie?

La première chose à comprendre est que la physiothérapie ne traite pas les problèmes cardiaques en tant que tels. Cependant, elle peut aider à ralentir leur progression, diminuer les symptômes et améliorer la qualité de vie. Le professionnel de la physiothérapie intervient également auprès des patients qui subissent une chirurgie cardiaque, par exemple des pontages, un remplacement de valve, l’implantation d’une assistance circulatoire (ou cœur mécanique), ou encore une greffe cardiaque.

Généralement, la physiothérapie a un rôle important dans:

  • la prévention des problèmes cardiaques en général;
  • l’amélioration de certains symptômes dus aux maladies cardiovasculaires tels que le manque d’endurance, la fatigue, l’essoufflement, le déconditionnement ou encore les étourdissements;
  • l’amélioration de la condition des patients avant ou après une chirurgie cardiaque.

Ainsi, les professionnels de la physiothérapie sont très présents auprès des patients ayant des problèmes cardiaques de toutes sortes.

La prévention: un volet du travail du professionnel de la physiothérapie

L’un des rôles de la physiothérapie auprès des personnes atteintes de problèmes cardiaques est la prévention. Il peut s’agir de prévention primaire, pour prévenir les maladies cardiovasculaires chez les gens qui n’en sont pas atteints, mais également de prévention secondaire lorsque les patients souffrent de problèmes cardiaques. La prévention permet ainsi d’améliorer et de limiter les risques de complications.

La prévention primaire

Le professionnel de la physiothérapie a un rôle dans la prévention primaire de certaines maladies cardiaques comme la maladie coronarienne athérosclérotique. Toujours en se basant sur les dernières études scientifiques, il éduque et sensibilise ses patients aux divers facteurs de risque. Il donne des conseils concernant l’activité physique et les bonnes habitudes de vie à adopter afin de diminuer les risques de maladies cardiovasculaires. Il est aussi important de souligner que le professionnel de la physiothérapie a toujours une approche globale et travaille au besoin en collaboration avec d’autres professionnels de la santé comme des médecins, des diététistes, des pharmaciens, etc.

La prévention secondaire

Le professionnel de la physiothérapie a également un rôle préventif auprès des patients à risque ou ayant subi un événement cardiaque.

Par exemple, il peut intervenir à la suite d’une crise cardiaque. Il est reconnu que l’activité physique peut diminuer le risque de mortalité ou de récidive dans cette situation. Ainsi, le professionnel de la physiothérapie évalue la tolérance à l’effort du patient et élabore un programme adapté. Il participe également à son éducation pour qu’il comprenne sa condition afin qu’il puisse développer et intégrer des habitudes de vie plus saines.

Il enseigne aussi au patient comment faire son autosurveillance en utilisant une échelle de perception de l’intensité de l’effort et en lui apprenant à prendre son pouls.

Enfin, le professionnel de la physiothérapie sensibilise son patient aux signes et symptômes qui sont anormaux lorsqu’il fait un effort. Ainsi, il peut le guider quant à l’intensité de l’activité physique qu’il a les capacités d’entreprendre (faible, modérée ou élevée). Cela permet aussi à la personne de réagir rapidement et d’adapter son activité.

Maladies cardiaques et physiothérapie : greffe

La chirurgie cardiaque et la physiothérapie

Les professionnels de la physiothérapie sont souvent présents auprès des patients ayant subi une chirurgie cardiaque.

Avant l’opération

Les patients ne sont pas tous vus par un professionnel de la physiothérapie avant une chirurgie cardiaque. Dans certains cas cependant, il est important d’évaluer la condition respiratoire, vasculaire et neuromusculosquelettique, ainsi que la condition physique du patient afin d’optimiser son état et d’assurer un rétablissement plus rapide après l’intervention.

Après l’opération

En collaboration avec l’équipe médicale, et en fonction de l’état de la personne, le professionnel de la physiothérapie peut être amené à voir son patient dès le lendemain de son opération, aux soins intensifs. Il a alors 3 objectifs principaux:

  • Prévenir les complications respiratoires.
  • Prévenir les complications vasculaires.
  • Prévenir le déconditionnement lié au manque d’activité avant l’opération, mais aussi après.

Tout en prenant en considération la condition de son patient, le professionnel peut lui offrir un traitement respiratoire afin d’optimiser sa ventilation, traiter certaines complications aux poumons (ex. alvéoles collabées), ou encore favoriser l’élimination des sécrétions s’il y a un encombrement des bronches. L’objectif est de permettre au patient de respirer naturellement sans aucune aide extérieure (intubation, etc.), et ce, le plus rapidement possible.

Il est intéressant de souligner que le professionnel de la physiothérapie intervient également auprès de patients ayant eu des complications respiratoires menant à une intubation prolongée, à une trachéotomie, à d’autres complications telles qu’un AVC, une lésion nerveuse périphérique, une polyneuromyopathie, ou encore à des complications vasculaires (amputation, paraplégie, etc.).

Par la suite, le professionnel de la physiothérapie est amené à voir son patient régulièrement jusqu’à sa sortie de l’hôpital ou jusqu’à ce qu’il ait retrouvé son autonomie. Il entreprendra alors diverses actions afin de favoriser une récupération rapide tout en respectant les limites de son patient. 
Ses interventions consistent en:

  • Une poursuite des traitements respiratoires, si nécessaire.
  • Une mobilisation précoce (débutée aux soins intensifs) et l’enseignement d’un programme d’exercices dès que possible, afin que le patient continue à bouger.
  • Une évaluation régulière de la condition et de la tolérance à l’effort du patient. Pour ce faire, le professionnel prend en compte plusieurs paramètres comme la tension artérielle, l’électrocardiogramme, la fréquence cardiaque, la saturation en oxygène, l’auscultation pulmonaire, la perception de l’intensité de l’effort du patient, ses signes et symptômes, etc.
  • Des interventions de réadaptation lorsque le patient a de la difficulté à recommencer à bouger, se lever, marcher… Par exemple, s’il est faible ou qu’il présente des problèmes d’équilibre.
  • Une sensibilisation et une éducation du patient afin de lui permettre d’être le plus autonome possible et de développer des habitudes sécuritaires lorsqu’il sera de retour à la maison et qu’il reprendra ses activités (autosurveillance). Il peut également lui conseiller des aides pour marcher s’il en a besoin (canne, marchette, etc.) ou le diriger vers d’autres professionnels en cas de besoins spécifiques (ex. aide à domicile par des intervenants du CLSC).
  • Une éducation du personnel médical qui entoure le patient afin qu’il continue sa réadaptation même en l’absence du professionnel de la physiothérapie. Il peut donner des conseils sur le positionnement, les exercices qu’il faut poursuivre, le niveau d’autonomie du patient, etc.

Il est aussi important de mentionner que ce n’est pas parce que le patient est à l’hôpital à cause d’un problème cardiaque que le professionnel de la physiothérapie ne le considérera pas dans son ensemble. Si le patient souffre de certains problèmes qui peuvent être traités en physiothérapie et qui peuvent avoir un impact sur son rétablissement, le professionnel accordera les soins nécessaires à son patient pour ces problèmes aussi.

Le cœur mécanique, la greffe cardiaque et la physiothérapie

Le professionnel de la physiothérapie est également présent auprès des patients qui doivent subir l’implantation d’un cœur mécanique ou encore une greffe cardiaque. De façon générale, ses interventions sont similaires à celles s’appliquant à une chirurgie cardiaque. Cependant, il existe quelques subtilités dues aux particularités de ces opérations.

Le saviez-vous?

Quelle est la différence entre un cœur mécanique et une greffe cardiaque?

L’implantation d’un cœur mécanique ne signifie pas que le cœur est remplacé, mais plutôt qu’une partie de celui-ci a été changée (par une machine) pour lui permettre de mieux fonctionner. Cette intervention arrive généralement avant la greffe lorsque l’état du patient s’aggrave et que son traitement médical ne fait plus effet. C’est donc un moyen de gagner du temps et de lui offrir une meilleure qualité de vie avant la greffe. La greffe, quant à elle, consiste au remplacement total du cœur du patient par un autre.

Le cœur mécanique : le retour vers l’activité physique

Les particularités concernant le suivi des patients ayant subi l’implantation d’un cœur mécanique sont les suivantes:

  • Le professionnel doit connaître et prendre en compte les paramètres du dispositif d’assistance circulatoire mécanique lorsqu’il évalue le patient.
  • Il doit déterminer l’intensité appropriée de l’entraînement, car les personnes ayant un cœur mécanique doivent améliorer leur condition physique, mais aussi s’habituer à vivre avec leur cœur malade assisté du dispositif. En effet, ce dispositif leur permet de faire plus d’activités, mais les patients demeurent tout de même plus limités qu’avec un cœur sain. Lorsque la condition du patient le permet, il est primordial de retrouver une meilleure forme physique en attendant la greffe cardiaque. Il faut savoir que la période d’attente pour cette opération peut être longue. Il faut donc que le patient soit capable de la supporter le plus confortablement possible. Aussi, une bonne réadaptation après l’implantation d’un cœur mécanique améliore les chances de rétablissement après la greffe cardiaque. Enfin, il faut aussi considérer que certaines personnes ne sont pas candidates à la greffe et vivront avec l’assistance circulatoire mécanique pour le reste de leurs jours.
  • Le professionnel de la physiothérapie est amené à suivre son patient pendant environ 3 mois après son opération, soit le temps de la convalescence. Pour ce faire, il évalue l’état du patient et met progressivement en place, selon sa condition et sa tolérance, un programme d’exercices visant à développer une bonne masse musculaire (membres inférieurs et supérieurs). Il améliore également l’endurance cardiovasculaire de son patient. À cela s’ajoute un programme d’exercices d’assouplissement. Ce temps de suivi est également important parce que le cœur mécanique ne s’adapte pas au corps du patient. C’est donc son corps qui doit s’y adapter progressivement.

La greffe cardiaque : un engagement à vie à faire de l’activité physique

En cas de greffe, les interventions du professionnel de la physiothérapie sont similaires à celles pour la chirurgie cardiaque et l’implantation d’un cœur mécanique. Les principales différences viennent de :

  • L’intensité de l’entraînement, car il s’agit d’un vrai cœur qui peut s’adapter en partie à l’activité du patient avec le temps et l’entraînement. Il faut donc l’aider à utiliser ce nouveau cœur à son maximum.
  • Les médicaments antirejet qui permettent au corps de ne pas rejeter la greffe causent entre autres une faiblesse musculaire appelée une myopathie stéroïdienne. C’est pourquoi le professionnel de la physiothérapie joue un rôle essentiel avant la greffe, afin de renforcer les muscles de son patient et de le préparer à cette situation. Il faut rappeler que les patients qui doivent subir une greffe cardiaque sont souvent déconditionnés et ont donc perdu leur masse musculaire. Par conséquent, il faut les aider à la développer pour que le rétablissement soit plus rapide.
  • Le suivi après l’opération, qui dure lui aussi environ 3 mois, permet de s’assurer que le patient est autonome pour poursuivre son entraînement, qu’il est en mesure de reprendre ses activités quotidiennes et ses loisirs et de retrouver sa qualité de vie.

Enfin, rappelons que le professionnel de la physiothérapie travaille toujours en collaboration avec une équipe multidisciplinaire qui entoure le patient. C’est ce travail d’équipe qui permet d’obtenir un résultat exceptionnel !

Stéphanie Grégoire est physiothérapeute depuis 2013 (UdeM). Elle travaille à l’Institut de cardiologie de Montréal depuis le début de sa carrière. Passionnée par la réadaptation cardiovasculaire et respiratoire, elle s’intéresse au suivi des patients porteurs d’une assistance circulatoire mécanique ou ayant subi une transplantation cardiaque.

Elle a d’ailleurs donné des conférences à l’ICM et à l’OPPQ, respectivement sur les recommandations postchirurgie cardiaque et sur la prise en charge des patients porteurs d’une assistance ventriculaire gauche. En parallèle, elle collabore à plusieurs cours du programme de physiothérapie de l’Université de Montréal. Elle est également auteure d’un article sur la physiothérapie oncologique en soins palliatifs dans la revue Bioéthique Online.

Veuillez noter que les informations proposées dans cet article représentent les opinions de professionnels de la physiothérapie reconnus pour leur expérience et leurs compétences dans le domaine. Ces propos ne doivent cependant pas être considérés comme une position officielle de l’Ordre sur un sujet donné. Si vous souhaitez participer à la réalisation d’un de nos prochains articles de blogue, nous vous invitons à nous écrire à communications@oppq.qc.ca.